INFORMATION PRIVILÉGIÉE : Un glossaire permettant de comprendre les différentes propositions d'Objectif à long terme à la COP 21
La communauté internationale a adopté un objectif qui consiste à limiter le réchauffement global à une température inférieure à 2°C (3,6°F) au-dessus des niveaux pré-industriels (et de considérer 1,5 degré C), de manière à éviter certains des pires impacts sur le climat. Toutefois, l'objectif des 2°C n'oriente pas facilement les prises de décisions au quotidien, parce qu'il ne définit pas qui doit agir, dans quelles proportions et quand. Ainsi, les négociateurs évaluent un deuxième objectif complémentaire qui rendrait opérationnel l'objectif consistant à limiter le réchauffement à une température inférieure à 2°C. Bon nombre d'entre eux ont désigné cet objectif comme un « Objectif à long terme » dans le but d'envoyer un signal beaucoup plus clair au monde concernant la politique de mise en œuvre que les acteurs doivent suivre pour rester au-dessous des 2°C.
De nombreuses options existent concernant l'objectif à long terme dans la version provisoire actuelle1 de l'accord international sur le climat qui doit être finalisé à la COP 21 à Paris, mais le problème est dans le détail. Le langage est actuellement émaillé de nombreux choix sémantiques, qui pourraient être interprétés différemment. Ce blog tente de démêler ces termes et d'identifier leurs implications dans l'objectif des 2°C. Une composante additionnelle dans la version provisoire du texte consiste, pour les pays, à développer des plans à long terme, qui expliquent comment le pays compte atteindre l'objectif à long terme, quelle que soit sa formulation.
La Décarbonisation de l'économie mondiale: désigne une réduction de l'intensité moyenne du carbone dans la production d'énergie primaire, alors que la Décarbonisation totale suggère un taux nul d'émissions de CO2 incontrôlées (non captées par CCS) dans les processus énergétiques et industriels. La stabilisation des émissions de gaz autre que le CO2 (par exemple le méthane) est parfois incluse dans un objectif de décarbonisation. Il est à noter que la décarbonisation totale n'implique pas nécessairement zéro émission. Les émissions pourraient théoriquement être compensées par le piégeage du carbone dans la mesure où des réductions suffisamment importantes ou des puits améliorés existent. Si la décarbonisation était incluse dans l'accord, elle devrait clairement spécifier la démarche choisie pour la réduction des émissions, afin de communiquer clairement les changements systémiques nécessaires (par exemple dans les technologies, le comportement).
Neutralité carbone: signifie zéro émissions anthropiques de CO2 annuelles nettes, en compensant tout rejet de CO2 par une quantité équivalente d'absorption de CO2. Pour rester au-dessous des 2°C d'augmentation, la neutralité carbone au niveau mondial doit être atteinte entre 2055 et 2070. Mais ce terme a, à l'occasion, été utilisé différemment. Le Costa Rica s'engage à « atteindre la neutralité carbone d'ici à 2021, avec des émissions nettes comparables aux émissions totales de 2005. » L'Éthiopie prévoit d'« atteindre la neutralité carbone et les objectifs de revenu moyen avant 2025 » et de « limiter ses émissions de gaz à effet de serre (GES) à 145 Mt de CO2 ou moins d'ici à 2030. » Plutôt que de viser l'objectif de zéro émissions nettes, certains pays semblent interpréter la neutralité carbone comme la stabilisation des émissions de GES à un certain niveau. Tout objectif de neutralité carbone devrait être accompagné d'un calendrier pour atteindre zéro émissions nettes de carbone.
La Neutralité climatique suit le même concept que la neutralité carbone, mais plutôt que de se concentrer uniquement sur les émissions de dioxyde de carbone, elle représente zéro émissions nettes de GES anthropiques. Pour rester au-dessous de l'augmentation de 2°C, la neutralité climatique doit être atteinte entre 2080 et 2100.
Zéro émissions nettes de carbone: Cette formule est habituellement considérée comme synonyme de la neutralité carbone, mais est sans doute plus claire, car elle définit explicitement que les émissions nettes seront réduites à zéro. Le terme peut être confondu avec « zéro émissions », un objectif qui vise la réduction de toutes les émissions à zéro, sans piégeage du carbone (ou émissions négatives grâce aux bioénergies ou au CCS, bien que ce ne soit toujours pas prouvé à grande échelle), en équilibrant les émissions. Comme de nombreuses autres formules, un objectif de zéro émissions nettes peut toujours mener à un dépassement du budget carbone, sauf si le terme est couplé à d'autres objectifs.
Zéro émissions nettes de GES: C'est le même concept que les zéro émissions nettes de carbone, à la différence qu'il implique un objectif de zéro émissions nettes à la fois pour le dioxyde de carbone et les gaz autres que le CO2.
Transformations visant une faible teneur en carbone et de faibles émissions de GES: Le terme implique un message visant à transformer nos activités génératrices d'émissions, ce qui est nécessaire pour limiter le réchauffement à 2°C. Toutefois, si cet objectif n'est pas assorti d'objectifs quantitatifs (comme pour les réductions des émissions et la production renouvelable) et d'échéances spécifiques, il demeurera trop vague pour envoyer les bons signaux aux décideurs.
Partager le budget carbone restant: Ce terme fait référence au partage de la quantité estimée de CO2 pouvant être émise cumulativement pour avoir une chance d'atteindre l'objectif de 2°C. Il ne reste que 1 000 Gt de CO2 dans le budget carbone. Contrairement à l'objectif formulé en pourcentage de réduction des émissions à une date donnée, un budget carbone impose des émissions cumulées sur la période entière, réduisant ainsi le risque de dépasser l'objectif des 2°C. Toutefois, cette formule, prise isolément, pourrait ne pas suffire pour éclairer une politique de mise en œuvre concernant les émissions avec des taux de décarbonisation acceptables (par exemple, nous pourrions épuiser le budget carbone rapidement et exiger des taux de réduction annuels de 6 pour cent dans les décennies à venir). Un petit nombre de pays, comme le R.-U. et la Norvège, ont adopté une approche de budget carbone, mais ce n'est pas une pratique courante. Si l'accord faisait référence à un budget carbone, ce serait toujours un défi de le traduire au niveau national, puisqu'aucun accord n'existe entre les pays concernant une allocation équitable.
Pourcentage de réduction des émissions à une date donnée: C'est une autre manière de communiquer de manière quantitative sur les actions à mener et leur échéancier de mise en œuvre. L'IPCC déclare que les émissions de GES doivent baisser de 40 à 70 pour cent d'ici à 2050, en dessous des niveaux de 2010, et s'approcher de zéro ou en deçà d'ici à 2100, pour avoir une chance de limiter le réchauffement à 2°C.
Pics d'émissions: Signifie que les émissions atteignent un niveau maximal avant de baisser ensuite. Pour avoir une chance d'atteindre l'objectif de 2°C, le pic des émissions mondiales de GES est atteint en 2020 ou avant dans près de 85 pour cent des scénarios de la base de données des scénarios de l'IPCC, et le pic est atteint dans toutes les régions d'ici à 2020. Bien qu'il ne s'agisse pas particulièrement d'un « objectif à long terme », le langage des pics existe dans l'Article 3 de la version provisoire du texte de négociation concernant l'objectif à long terme, étant donné son intérêt pour la détermination du calendrier et des ambitions de la courbe des émissions mondiales.
Voir plus loin avec un Objectif à long terme
Les définitions de termes ci-dessus décrivent les besoins évalués par la littérature scientifique au sujet des réductions des émissions mondiales. Toutefois, ces termes n'indiquent pas quels pays sont concernés par quelles actions et à quelle échéance. Tout texte final devra clairement reconnaître les différentes capacités des pays à atteindre l'objectif à long terme et accorder une certaine flexibilité à ces pays. Cet objectif sera atteint en même temps que l'objectif d'éradication de la pauvreté auquel le monde entier travaille ; les deux objectifs doivent être concomitants.
La mise en œuvre de l'objectif des 2°C permet de mieux communiquer aux pays, aux villes et au secteur privé quels sont les changements nécessaires, avec un calendrier précis. Pour être efficace, la formule doit :
- Tout d'abord, être cohérente avec les progrès les plus récents de la science du climat ;
- proposer des niveaux et des échéances clairs concernant les réductions des émissions à long terme ;
- proposer une limite claire concernant les émissions cumulées ; et
- communiquer clairement un taux de réduction annuel des émissions qui soit crédible et qui permette une transition en douceur, tout en considérant une certaine flexibilité pour les pays ayant une faible capacité.
Proposer desniveaux et des échéances clairs concernant les réductions des émissions àlong terme | Ce que la science nous dit au sujet des conditions préalables pour avoir une chance de limiter le réchauffement à 2°C (impacts moindres) | |
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Décarbonisation | Des détails plus spécifiques doivent être adoptés au sujet du délai de décarbonisation | Réduire les émissions de CO2 nettes à zéro entre 2055 et 2070, et tous les GES entre 2080 et 2100. |
Neutralité carbone | Des détails plus spécifiques doivent être adoptés au sujet du délai de neutralité carbone | Atteinte entre 2055 et 2070. |
Neutralité climatique | Des détails plus spécifiques doivent être adoptés au sujet du délai de neutralité climatique | Atteinte entre 2080 et 2100. |
Zéro émissions nettes | Des détails plus spécifiques doivent être adoptés au sujet du délai de réduction des émissions nettes à zéro | Réduire les émissions de CO2 nettes à zéro entre 2055 et 2070, et tous les GES entre 2080 et 2100. |
Transformation des émissions | Des détails plus spécifiques doivent être adoptés au sujet du type, du niveau et du taux de transformation | Réduire les émissions de CO2 nettes à zéro entre 2055 et 2070, et tous les GES entre 2080 et 2100. |
Partager le budget carbone restant | Non | Limiter le budget restant à 1000 Gt de CO2. |
Pourcentage de réduction des émissions à une date donnée | Oui | 40 à 70% au-dessous des niveaux de 1990 d'ici à 2050 et proche de zéro ou plus bas d'ici à 2100 |
Pics | Non, à moins qu'il ne soit accompagné d'un objectif à long terme. | Pic d'émissions mondiales d'ici à 2020 |
Il faut noter que ces formulations ne sont pas mutuellement exclusives et que, compte tenu de leurs forces relatives, certaines formulations seront idéalement combinées dans l'accord final.
En y incluant les bons sign¬aux, le nouvel accord sur le climat peut catalyser l'action jusqu'en 2030 et orienter l'action à long terme pour donner au monde une chance de réussir à se stabiliser en dessous de 2°C.
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L'Article 3 du texte actuel des coprésidents précise que : [Les Parties souhaitent [atteindre l'objectif mondial de température], en vertu des meilleurs avis scientifiques disponibles [et des principes de la Convention], grâce à des [transformations [émissions][à faible [teneur en carbone]], à la [neutralité [climatique][carbone]], [et en atteignant le pic de leurs émissions [nettes]] [d'ici à 2030][20XX][le plus tôt possible], [avec une réduction nette des émissions de [x]40 à [y]70%, au-dessous des niveaux de 2010, d'ici à 2050][en vertu de la répartition mondiale du budget carbone et en fonction de la justice climatique], et [des réductions globales][à zéro émissions [nettes]] [au cours du siècle][d'ici à 2050][d'ici à 2100].2 ] Option 2 : [Les Parties souhaitent atteindre une transformation mondiale à long terme axée sur de faibles émissions, dans le contexte du développement durable et de l'accès équitable à l'espace atmosphérique, {espace réservé à une élaboration plus approfondie du contexte, y compris la CBDR, l'exhaustivité, la répartition du budget carbone mondial en vertu de la justice climatique, etc.}.] Option 3 : [Selon la mise en œuvre de l'objectif de la Convention défini en son Article 2,][et][pour atteindre l'objectif de température à long terme tel que défini dans l'Article 2 du présent Accord,] les Parties souhaitent atteindre [à la date X] [le plus tôt possible] [un pic des émissions mondiales de gaz à effet de serre] [et des réductions rapides des gaz à effet de serre cités, d'au moins] [40 à 70] [70 à 95] pour cent, au-dessous des niveaux de 2010 d'ici à 2050] [et zéro émissions nettes de gaz à effet de serre dans la période de 2060 à 2080] [[en gardant à l'esprit que les pics varieront en fonction des pays et que ce sera plus long pour les pays en voie de développement] [[et] en gardant à l'esprit que le développement économique et social, ainsi que l'éradication de la pauvreté sont les principales priorités des parties des pays en développement]][[dans la démarche [de décarbonisation de l'économie mondiale au cours du siècle] [de transformation mondiale pour une réduction des taux de carbone] [de transformation mondiale pour une réduction des émissions]] [du partage du budget d'émissions mondiales restant]]. ↩︎