Experts de WRI Yamide Dagnet, Eliza Northrop, Heather McGray, Athena Ballesteros, Joe Thwaites et Niranjali Amerasinghe contribué à ce poste.


Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un tournant dans l’histoire de l’action internationale sur le changement climatique. À la conférence de l’ONU à Paris, 196 pays se sont ralliés à l’Accord de Paris, un pacte universel par lequel le monde s’engage sur la voie d’un avenir sans émissions de CO2, et où résilience, prospérité et équité seront au rendez-vous. Si cet Accord n’est pas suffisant en soi pour résoudre le problème, il nous place indiscutablement sur la voie d’une solution véritablement globale.

Élaboré à partir des plans d’action nationaux en faveur du climat de 186 pays, l’Accord de Paris est le reflet de la remarquable dynamique à laquelle se sont joints des villes, des entreprises, des groupes de la société civile et plus encore, afin d’embrasser cette volonté d’agir planétaire qui n’a cessé de croître au fil des ans et ce, depuis la première conférence internationale sur le changement climatique en 1992.

L’Accord de Paris va confirmer ce mouvement et l’accélérer. Il donne des orientations claires sur :

  • les objectifs et les signaux à long terme ;
  • l’engagement à se réunir régulièrement, dans le but de renforcer l’action en faveur du climat ;
  • une réponse à l’impact des événements climatiques extrêmes sur les plus vulnérables ;
  • la transparence nécessaire à la mise en œuvre de cette action ; et
  • les conditions financières, les moyens humains et technologiques pour faciliter un changement véritable.

Mais cet Accord va plus loin encore : il instaure un genre nouveau de coopération internationale, dans lequel les pays développés et ceux en développement sont unis dans un cadre d’action commun, et où tous deviennent des contributeurs impliqués et engagés. Il reflète la reconnaissance croissante qu’une action sur le climat offre de formidables avantages et opportunités, et que les effets du climat peuvent être contrés efficacement, grâce à l’unité d’intention qui nous a guidé jusqu’ici.

Mais le moment vécu à Paris est allé bien au-delà de l’Accord lui-même. Les villes et les forêts, l’entreprise et la finance, tous font partie des nombreuses initiatives et engagements décidés ou renforcés au cours de ces deux dernières semaines. Et ils joueront un rôle essentiel dans la solution, au fur et à mesure que l’action avancera sous l’impulsion de la dynamique générée à Paris.

Principales dispositions

Des objectifs d’atténuation sur la durée

L’accord de Paris définit des objectifs de seuils pour agir sur le changement climatique. Le but est de maintenir la hausse des températures bien en dessous de 2 ºC (3,6 ºF) et de poursuivre les efforts afin d’abaisser cette hausse à 1,5 ºC (2,7 ºF). Pour y parvenir, les pays se donnent pour objectif de plafonner les émissions mondiales dès que possible et, fait remarquable, ils ont accepté de réduire rapidement les émissions, pour arriver à des émissions de gaz à effet de serre (GES) nulles (« zéro net ») dans la seconde moitié du siècle. Ils le feront en tenant compte des principes d’équité, du développement durable et de la pauvreté.

Des cycles d’action sur cinq ans

Pour rester dans la dynamique des plans nationaux sur le climat initiée à Paris, les pays se sont entendus sur un processus destiné à intensifier l’action sur les émissions tous les cinq ans. Les pays ont donné leur accord pour revenir et soumettre, d’ici à 2020, soit de nouveaux plans soit une révision de leurs plans (auxquels on a donné le nom de « contributions déterminées au niveau national »). Par la suite, les pays soumettront de nouvelles contributions tous les cinq ans. Les États ont également accepté que leurs plans d’atténuation devraient toujours être en progrès par rapport à leurs efforts précédents.

Un bilan exhaustif mondial après cinq ans

L’Accord instaure un processus solide par lequel les pays évalueront régulièrement leur mise en œuvre, et feront le point de leurs actions sur le climat tous les cinq ans : ce sera le "Bilan mondial" (Global Stocktake). Il s’agira d’évaluer la mise en œuvre des actions d’atténuation, l’adaptation et les aides, notamment financières, et d’infléchir l’application des plans des pays sur le climat. Ce bilan débutera en 2023 mais les pays se sont mis d’accord pour revenir en 2018 pour faire le point, et constater où en sont les mesures de réduction, de façon à infléchir leur contribution à l’atténuation pour 2020.

Adaptation

Dans cet Accord, l’adaptation au changement climatique est une question centrale, aussi importante que la réduction, au niveau de l’action mondiale sur le climat. Elle établit un objectif mondial : augmenter la capacité à s’adapter, à renforcer la résilience et à réduire la vulnérabilité, avec une réponse d’adaptation adéquate aux objectifs de l’Accord relatifs à la température. Pour ce faire, l’Accord institue un cycle d’action en faveur de l’adaptation comparable au cycle prévu pour l’atténuation. Les pays seront libres de décider du calendrier et des méthodes pour communiquer les informations sur les mesures ou les efforts qu’ils consacrent à l’adaptation. Les pays en développement bénéficieront d’une assistance pour planifier les activités d’adaptation, les mettre en œuvre et les communiquer.

Pertes et dommages

Cet Accord prend en compte l’importante question des pertes et des dommages, en faisant référence aux graves répercussions du changement climatique lorsque l’atténuation et l’adaptation échouent. Les peuples touchés par le changement climatique seront peut-être atteints au niveau de leurs biens, de leur santé ou encore, dans les pires situations, ils devront subir la perte définitive de terres ou de moyens d’existence, voire de vies humaines. Dans l’Accord, cette question des pertes et dommages est traitée séparément par rapport à l’adaptation : le mécanisme international de Varsovie (MIV) sur les pertes et les dommages, établi il y a deux ans, est rendu permanent dans le but de trouver des façons de résoudre ces problèmes. Il a également pour résultat d’établir un groupe de travail sur les déplacements d’origine climatique dans le cadre du MIV, et souligne clairement que la clause sur les pertes et dommages n’impliquera pas de nouvelle responsabilité juridique pour les pays émetteurs.

Aspects financiers

Ce sont les institutions financières qui apporteront la force nécessaire pour que le monde s’achemine vers un avenir sans émission, capable de faire face aux aléas climatiques. Et dans sa déclaration d’intention, l’Accord indique que tous les flux financiers, tant publics que privés, doivent cesser d’alimenter les activités à fortes émissions pour favoriser les faibles émissions et préférer les mesures de résilience aux investissements risqués. Il ressort clairement de l’Accord que les pays développés continueront à apporter et à mobiliser des financements pour aider les pays en développement, et ces pays développés ont maintenu leur engagement de 2020 à mobiliser 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2025. Au-delà de cette période, les gouvernements adopteront un nouvel objectif collectif plus ambitieux. Mais une importante question subsiste, car l’Accord ne précise pas dans quelle mesure ces moyens financiers augmenteront, ni qui les mobilisera. Ce qui est sûr, c’est que l’Accord instaure et officialise l’aide apportée par les pays en développement à leurs homologues, tout en reconnaissant que certains d’entre eux le font déjà.

De plus, les gouvernements ont consenti à équilibrer les financements publics entre adaptation et atténuation, et à nettement augmenter l’aide à l’adaptation avant 2020, ce qui est d’une importance vitale pour les pays les plus vulnérables confrontés aux effets d’un monde qui se réchauffe. Les pays se sont également engagés à rendre les déclarations sur les financements plus claires, chacun communiquant ses informations sur les financements apportés ou reçus, comme il se doit.

Transparence

L’accord établit un système de transparence commun à tous les pays. Tous les pays seront obligés, au moyen d’un cadre plus transparent, de faire régulièrement état de leurs émissions et des progrès réalisés pour atteindre les contributions déterminées au plan national. Les informations communiquées par toutes les parties feront l’objet d’une revue d’experts et faciliteront ainsi la prise en compte multilatérale des progrès. Cette grille se caractérise par sa souplesse et apporte une aide tenant compte des capacités des différents pays. Les pays développés exposeront les financements et l’aide qu’ils apportent, et les pays en développement déclareront les financements et l’aide dont ils ont besoin, et qu’ils reçoivent.

Développement des capacités

Pour que le nouvel accord sur le climat soit universel, les pays ont reconnu qu’il était vital de consacrer des moyens humains et matériels tangibles pour que les mesures prises par les pays en développement soient solides. Pour mettre l’emphase sur cette question, les pays ont établi le nouveau Comité de Paris sur le développement des capacités destiné à superviser un plan de travail en vue de renforcer ces capacités. Le comité identifiera les manques et les besoins, favorisera une coopération internationale et définira des possibilités pour renforcer les moyens mis à la disposition de l’action sur le climat.

Forme juridique

L’Accord de Paris est un accord juridique universel sous l’égide de l’UNFCC (Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques), avec la participation de tous les pays. Il sera prêt à être signé en avril prochain, et entrera en vigueur en janvier 2020. En particulier, il contient un cadre puissant et juridiquement contraignant destiné à faire état et à prendre connaissance en toute transparence des actions de mise en œuvre, et il émule encore plus d’ambition dans la lutte contre le changement climatique. L’instauration d’un mécanisme de facilitation du respect des dispositions permettra de garantir l’action de toutes les parties.

Temps forts de la Conférence sur le Climat

Les résultats de la COP21 ont tenu la promesse de sa journée d’ouverture : 150 chefs d’états et de gouvernements s’étaient retrouvés à Paris pour exprimer leur engagement à agir sur le climat et à parvenir à un accord viable. Le même jour, 20 pays et 27 représentants du secteur privé ont annoncé un fonds d’énergie propre de plusieurs milliards de dollars et leur engagement à augmenter les investissements en recherche et développement, une annonce qui a beaucoup stimulé les débats

Forêts et restauration

Le 30 novembre, jour d’ouverture, a vu les gouvernements prendre d’importants engagements pour protéger les forêts ; l’Allemagne, la Norvège et le Royaume-Uni leur consacrant notamment 5 milliards de dollars de financements. L’Observatoire mondial des effets du climat sur les forêts (Global Forest Watch Climate), lancé pendant la Conférence, offre la possibilité d’orienter le débat sur la surveillance des émissions d’origine forestière. L’Initiative africaine sur la restauration des forêts et des paysages (AFR100) se propose de remettre en état 100 millions d’hectares (environ 250 millions d’acres) de terres dégradées et déboisées d’ici à 2030. L’Initiative 20x20, un effort de restauration du paysage en Amérique latine et aux Caraïbes, a désormais atteint près de 28 millions d’hectares (environ 70 millions d’acres), ce qui représente près de 730 millions de dollars d’investissement.

Villes

Créer des outils d’efficacité énergétique, de mobilité et d’interactivité durable sont quelques-unes des solutions avancées au niveau des villes pour éviter que la congestion de CO2, l’étalement urbain et le gaspillage énergétique ne s’imposent pour les décennies à venir. Le WRI a annoncé que 25 nouveaux partenaires se joignaient au dispositif d’« Accélérateur d’efficacité énergétique » dans le cadre de l’UN SE4All initiative  et il a présenté son slogan de la nouvelle économie pour le climat : "Améliorer les transports pour améliorer le climat." Une coalition à laquelle appartient le WRI a avancé la proposition intitulée « Processus de Paris en faveur de la mobilité et du climat » pour positionner les contributions du secteur des transports en matière d’atténuation et d’adaptation. En tandem avec le Department of Energy & Climate Change (DECC) britannique, le WRI a présenté le « Calculateur mondial 2050 », un modèle interactif (le WRI s’est occupé de la partie transports) qui permettra aux utilisateurs de réfléchir à des moyens d’atteindre l’objectif de 2 °C. En prévision de 2016, l’ONU a annoncé que la conférence « Agir pour le Climat 2016 » allait s’approfondir et étendre son action dans six domaines prioritaires, dont les principaux sont les villes et les transports.

Entreprises

Plus de 114 entreprises se sont engagées à définir des objectifs de réduction d’émissions d’après les « objectifs fixés par la science », en se basant sur ce qui, selon les scientifiques, est nécessaire pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2 °C. Les pays participants ont combiné les émissions annuelles de dioxyde de carbone équivalentes à ce que 125 centrales électriques à charbon émettent en un an. Goldman Sachs a annoncé des plans d’investissements s’élevant à 150 milliards de dollars en projets et en technologies d’énergie propre.

La banque d’investissement, dont l’objectif était d’investir 40 milliards de dollars dans les technologies d’énergies propres d’ici à 2012, va finalement pratiquement quadrupler ce chiffre d’ici à 2025. Google a ajouté 842 mégawatts de capacité en énergies renouvelables dans le monde, doublant presque la quantité que la société avait acquise, pour passer à 2 gigawatts, ce qui équivaut à retirer près d’un million de véhicules de la circulation.

Investissements

Les investisseurs institutionnels et les banques ont fait part de leurs projets de tenir compte du changement climatique dans leurs décisions. Allianz et ABP se sont officiellement associés à l’initiative de "Décarbonisation des portefeuilles" (Portfolio Carbon Initiative) , ce qui a fait grimper la valeur des actifs de la Coalition à 600 milliards de dollars. Par ailleurs, cinq principes pour généraliser l’action sur le climat dans les institutions financières ont été lancés, et plus de deux douzaines d’entre elles ont indiqué leur intention d’intégrer le changement climatique dans leurs stratégies et leurs opérations. Une alliance composée d’investisseurs internationaux, de banques de développement, d’associations du secteur financier et d’ONG a donné naissance à la « Coalition d’investissements dans les infrastructures vertes » en initiant des dialogues entre investisseurs et gouvernements aux niveaux mondial et régional ; et 27 investisseurs internationaux ont émis la « Déclaration des obligations vertes » pour financer des politiques favorisant le développement de marchés mondiaux durables, avec des obligations vertes. 


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